La croisade de Tarrida del Marmol

Publié le par Paul-Henri Bourrelier

par Benedict Anderson, professeur émérite de l’université de Cornell (New York)

 

INTRODUCTION

Deux mois avant le début de l'insurrection du Katipunan, l'attentat anarchiste le plus sanglant d'une longue série eut lieu dans une Barcelone en état de guerre. Le Premier ministre conservateur Canovas instaura aussitôt la loi martiale dans la ville et multiplia les arrestations de militants de gauche, tout en autorisant les pratiques de torture les plus infâmes dans la forteresse lugubre de Montjuich. Parmi les prisonniers se trouvait l'illustre anarchiste cubain d'origine créole Tarrida del Marmol. Une fois libre, ce dernier s'installa à Paris et se lança dans une intense croisade contre le régime de Canovas, à grand renfort d'articles publiés dans La Revue blanche, qui était à l'époque la plus grande revue d'avant-garde française, si ce n'est mondiale. Târrida, qui se mit à publier peu avant l'exécution de Rizal, y mettait en parallèle les vagues de répression féroce qui s'abattirent sur Cuba, Porto Rico, Barcelone et les Philippines. Cette croisade fit rapidement des émules dans la presse anarchiste européenne et transatlantique, et lui valut le soutien et la protection de nombreuses organisations et revues progressistes. Ses principaux alliés parisiens se nommaient Félix Fénéon et Georges Clemenceau. Fénéon, tête pensante de la Revue Blanche, était un brillant critique d'art et de théâtre, mais aussi un militant anarchiste anti-impérialiste, qui n'hésita pas à aller poser une bombe de ses propres mains. Clemenceau, maire de Montmartre pendant la Commune, était tout aussi engagé dans la lutte anti-impérialiste. Il s'était lié d'amitié avec de nombreux anarchistes alors sous les verrous, et se battait, en tant que journaliste et homme politique, pour les droits des travailleurs. Ces deux hommes jouèrent un rôle clé dans l'affaire Dreyfus, qui éclata au grand jour à l'automne 1897.

 

Montjuich

Lorsque Rizal fut envoyé passer une nuit à Montjuich au début du mois d'octobre 1896, il retrouva la quasi-totalité des quelque trois cents personnes qu'on y avait emprisonnées suite à l'attentat de la Fête-Dieu le 7 juin de la même année. Il ne manquait presque que Femando Tarrida del Marmol, un Cubain créole du même âge que Rizal. C'était lui qui accompagnait Errico Malatesta dans son circuit de conférences politiques en Espagne avant que l’émeute de Jerez de 1892 n'y mette prématurément un terme. On l'interpella assez tardivement, le 21 juillet, sur les marches de l'Académie polytechnique de Barcelone où il était ingénieur en chef et professeur de mathématiques, pour le relâcher le 27 août. En effet, l'un des jeunes lieutenants de garde, qui avait reconnu son ancien professeur, prétexta un problème de santé pour aller informer la presse barcelonaise ainsi que de nombreuses autres personnes influentes de l'incarcération de Tarrida. Par chance, le marquis de Mont-Roig, sénateur conservateur et cousin du Cubain, fit également jouer ses relations pour le faire sortir. Notons que cela ne posa absolument aucun problème à Tarrida d'accepter ainsi de l'aide de la droite ; en revanche, il fit tout ce qu'il put pour aider ceux de ses camarades de cellule qui avaient moins de relations que lui. A sa libération, il partit discrètement pour Paris, emportant dans ses bagages lettres et documents d'autres prisonniers qu'il avait réussi à faire sortir de la forteresse.

Tarrida publia « Un mois dans les prisons d'Espagne », premier d'une série de quatorze articles parus en quinze mois dans la Revue Blanche, bimensuel français de renom, au moment même où Rizal repartait pour Manille sous haute surveillance.

Ils donnaient les détails macabres des atrocités commises à Montjuich, mais couvraient aussi et surtout la guerre d'indépendance à Cuba, les mouvements nationalistes aux Philippines et à Porto Rico, les mauvais traitements infligés aux prisonniers caribéens à Ceuta, les bruyants projets impérialistes des États-Unis ; il peut aussi paraître surprenant d'y trouver un traité scientifique sur la « navigation aérienne », qui date d'avant les exploits des frères Wright. Le deuxième article de la série, daté du 15 décembre, c'est-à-dire deux semaines avant l'exécution de Rizal, traitait en détail du « problème philippin » et mentionnait en passant le romancier comme déporté politique. On pourrait aller jusqu'à dire que Tarrida était à l'époque le collaborateur le plus actif de la revue. Au départ, c'était sans doute sa qualité d'ancien prisonnier de Montjuich qui lui avait permis de décrocher une place aussi importante. Son témoignage personnel ouvrit la voie à un grand mouvement de protestation de part et d'autre de l'Atlantique contre le régime de Canovas et les «Inquisiteurs de l'Espagne», selon la formule efficace de Tarrida. La Revue Blanche avait vraiment déniché l'oiseau rare : intellectuel anarchiste catalan mais aussi patriote cubain, il offrait un point de vue idéal qui reliait systématiquement Montjuich aux batailles indépendantistes de Cuba, de Porto Rico et des Philippines.

Mais comment Tarrida en était-il arrivé là ? La clé se trouve en fait dans le récit de son parcours professionnel. Comme on l'a vu, il naquit à La Havane en 1861 et y demeura jusqu'à la chute spectaculaire de la reine Isabelle en 1868. La raison pour laquelle son père, riche fabricant de chaussures et de bottes en Catalogne, avait choisi d'aller s'installer à Cuba reste incertaine. Mais au vu de la date à laquelle la famille rentra en Espagne, on peut supposer qu'elle faisait partie des nombreuses cibles de la répression de ce régime qui touchait à sa fin2. On envoya alors le jeune Ferdinand au lycée de Pau, celui-là même où Bourdieu dut prendre son mal en patience de nombreuses années plus tard. C'est là-bas qu'un des camarades de Tarrida, le futur Premier ministre français Jean-Louis Barthou, le convertit au républicanisme. De retour en Espagne, Femando se radicalisa et se mit à assister à des réunions et à rejoindre des clubs ouvriers. En 1886, un an avant la publication de NoU me tangere, c'était devenu un anarchiste confirmé qui fascinait son public lors de conférences et collaborait régulièrement à Acracia et El Productor, deux importantes publications anarchistes. En juillet 1889, les travailleurs barcelonais le désignèrent comme représentant au nouveau Congrès international socialiste à Paris. C'est lors d'une conférence publique en novembre de la même année qu'il utilisa pour la première fois le slogan inimitable «anarquismo sin adjetivos », dans sa croisade contre les querelles sectaires de la gauche. « Parmi toutes les théories révolutionnaires qui prétendent garantir une parfaite émancipation sociale, celle qui se conforme le mieux à la Nature, à la Science et à la Justice et qui rejette tout dogme, qu'il soit politique, social, économique ou religieux, s'appelle l'anarchisme sans adjectifs. » II s'agissait là de mettre un terme aux querelles amères qui opposaient marxistes et bakouninistes. Tarrida expliquait que le véritable anarchisme ne pouvait imposer quelque planification économique que ce soit, puisque c'était là une violation du principe de choix. Mais sa campagne n'en était pas moins dirigée contre l'idée même de « propagande par le fait » à l'initiative d'un seul homme.

Jean Grave, surnommé avec humour le « pape de l'anarchisme », ne perdit pas un instant pour dénoncer les actions de Tarrida dans La Révolte, le classant parmi les égarés de la tradition « collectiviste » de l'anarchisme espagnol, qui étaient attachés à l'idée d'une base ouvrière organisée. Il s'agissait fort heureusement d'un pape qui rejetait le dogme d'infaillibilité, puisqu'il s'empressa ensuite de publier la réponse virulente de Tarrida. Le professeur de mathématiques seulement âgé de 28 ans y expliquait de manière convaincante que les petits groupes adeptes de la propagande par le fait et qui ne bénéficiaient du soutien d'aucune organisation collective n'avaient absolument aucune chance face au pouvoir centralisé de la bourgeoisie. Une longue expérience avait appris aux anarchistes espagnols qu'il était essentiel de coordonner leurs actions, puisque la résistance organisée était le seul moyen pour les classes ouvrières de combattre la répression d'État de manière efficace. C'était donc une grave erreur de traiter unilatéralement les centres obreros (centrales ouvrières) de « hiérarchies » à nature autoritaire, alors qu'elles s'étaient au contraire montrées indispensables à la montée du mouvement révolutionnaire en Espagne. Il aurait été absurde d'abolir les associations ouvrières, comme le recommandait Grave. En revanche, Tarrida lui accordait que, dans le cas de la moribonde FTRE (Federaciôn de Trabaj adores de la Région Espanola, c'est-à-dire les cendres de la première Internationale), la bureaucratie y était si bien ancrée que l'organisation avait perdu toute utilité.

Les arguments de Tarrida avaient d'autant plus de poids qu'ils rallièrent rapidement Malatesta, Elisée Reclus et d'autres à sa cause, mais ils nous intéressent surtout dans la mesure où ils parurent dans La Révolte, une revue dont la plupart des grands romanciers, poètes et peintres parisiens étaient alors de fidèles lecteurs. Ainsi, lorsque Tarrida arriva à Paris après sa sortie de Montjuich, il s'était déjà fait un nom grâce à ses écrits. Le fait d'être cubain à l'époque de la répression dirigée par le tristement célèbre Weyler lui facilita son entrée dans le milieu.

Tarrida n'était par ailleurs pas la seule victime à débarquer à Paris. Canovas faisait certes appliquer sans scrupule une loi martiale très violente à Barcelone, mais il était assez rusé pour ne pas l’étendre au reste de l'Espagne ; il fit en revanche passer en force aux Cortes la loi de lutte contre le terrorisme et la subversion la plus sévère de toute l'Europe de l'Ouest. Les statistiques compilées par le minutieux Ricardo Mella, camarade de combat de Tarrida, pour L'Humanité nouvelle en 1897 révèlent le nombre de véritables militants anarchistes et sympathisants en Espagne à cette époque : 12400 anarchistes (+23100 sympathisants) en Andalousie, 6 100 (+ 15 000) en Catalogne, 1 500 (+ 10 000) à Valence, et 1 500 (+ 2 000) en Vieille et Nouvelle-Castille. Soit, au total, 25 800 militants et 54 300 sympathisants. On ne pourrait trouver de carte plus claire des isobares sociales révélées par les guerres carlistes ; des bourrasques réactionnaires et cléricales s'abattaient sur le Nord et le Nord-Est, alors que tempêtes et pluies diluviennes accablaient le Sud et l'Est. Et ce n'était pas Barcelone, mais l'Andalousie du Premier ministre, qui était dans l'œil du cyclone. Par ailleurs, le scandale de Montjuich était une occasion rêvée pour les ennemis de Canovas, au sein de son propre parti mais aussi parmi les libéraux, les fédéralistes, les républicains et les marxistes ; par principe ou par opportunisme, c'est depuis Paris qu'ils lancèrent une critique acerbe de la forteresse, qui fonctionna d'autant mieux qu'il y avait parmi les prisonniers de Barcelone un ancien ministre et trois députés.

De plus en plus de sujets de l'Empire espagnol organisaient d'ailleurs leurs actions politiques depuis la Ville Lumière. Zorrilla, leader radical républicain, y préparait depuis longtemps déjà une révolte contre la Restauration. Son secrétaire personnel Francisco Ferrer Guardia, un vétéran de gauche que nous aurons l'occasion de retrouver plus tard, enseignait l'espagnol au lycée Condorcet, qui employa Mallarmé jusqu'à sa mort prématurée en 1898. Lorsque, au printemps 1895, éclata la guerre d'indépendance cubaine, les nationalistes et radicaux caribéens quittèrent l'Espagne, devenue trop dangereuse, pour la capitale française ; sous les ordres du Dr Ramôn Betances, légendaire révolutionnaire portoricain, ils y reprirent leur propagande et leurs conspirations contre Canovas et Weyier. Enfin, après les rafles de la Fête-Dieu, de nombreux radicaux métropolitains décidèrent de passer de l'autre côté des Pyrénées. Les Philippins étaient somme toute les seuls à ne pas être bien représentés à Paris, depuis la mort de Rizal et de Del Pilar et le départ pour Hong Kong de Mariano Ponce. Le peintre Juan Luna restait la seule personnalité nationaliste de poids dans la capitale.

……

Paris se radicalise

Si l'on veut comprendre pourquoi le succès phénoménal de la campagne de Tarrida parvint à toucher le Paris de 1897, il faut revenir sur le début de la carrière de deux hommes de générations différentes qui jouèrent un rôle essentiel dans la création d'un nouveau climat intellectuel et politique.

Georges Clemenceau, né en 1841, grandit sous le régime répressif et impérialiste de Louis-Napoléon. Dès 1861, alors que Rizal n'était encore qu'un nouveau-né, il évoluait déjà dans les cercles de la gauche républicaine radicale. Il y fit la connaissance d'Henri Rochefort, de son vrai nom marquis de Rochefort-Luçay, qui devint plus tard son beau-frère et se reconvertit en journaliste et rédacteur radical célèbre pour son comportement imprévisible. En 1862, l'empereur envoya Clemenceau en prison pour ses articles critiques ; à sa libération, ce dernier partit travailler dans un hôpital proche de la prison Sainte-Pélagie pour détenus « politiques ». C'est là qu'il fit la connaissance de Blanqui, incorrigible conspirateur, pour qui il développa une telle fascination qu'il alla jusqu'à lui faire parvenir dans la clandestinité une presse à imprimerie de Belgique. Après la défaite de Sedan, il devint maire de Montmartre, siège de la Commune le printemps suivant. Clemenceau, qui désapprouvait fortement l'attitude obséquieuse du nouveau gouvernement envers Bismarck, s'opposa violemment à l'occupation de Paris par les Allemands. Ainsi, la manufacture d'armes qu'il installa dans la mairie produisit jusqu'à 23 000 bombes Orsini pour lutter contre l'envahisseur. À la même époque, il se rapprocha beaucoup de Louise Michel, de onze ans son aînée. À 14 ans déjà, cette fille illégitime d'un aristocrate de province et d'une femme de chambre envoyait ses poèmes à Victor Hugo. C'est dans les années 1860 qu'elle se radicalisa à Paris, avant de se rendre célèbre dans les années 1870 pour son travail et sa dévotion aux blessés et aux affamés de Montmartre. Clemenceau quant à lui resta à son poste jusqu'au dernier moment et Gregor Dallas l'imagine quitter la capitale en se disant : « Ils vont tuer tous mes administrés. Mais je ne peux tout de même pas risquer de porter moi-même le chapeau. »

II se joignit néanmoins immédiatement aux parlementaires de la IIIe République qui demandaient une amnistie générale pour les communards tenta de faire sortir Blanqui de prison et vint en aide a Louise Michel à son retour des prisons de Nouvelle-Calédonie en 1880. Lorsque en 1883, la Vierge rouge fut une nouvelle fois condamnée, cette fois pour anarchisme, ce n'est que grâce à la campagne de presse de Clemenceau que le gouvernement  fut forcé de la libérer. Il militait également pour le droit des travailleurs à s'organiser et a se syndiquer, et affichait ouvertement son opposition au colonialisme et à l’impérialisme notamment aux aventures brutales de la France en Indochine, en Afrique et en Océanie. De même, il n'était pas d'homme politique et de journaliste français plus dévoué à la cause cubaine Enfin son journal La Justice, qui perdura jusqu'en octobre 1897, était l’organe d’opposition le plus puissant et le plus respecté de la période suivant la Commune. Clemenceau intégra ensuite l'équipe de L’Aurore nouveau journal d'Ernest Vaughan, juste à temps pour couvrir l’affaire Dreyfus.

Quant  à Félix Fénéon…

 

Ainsi, à la fin des années 1890, Clemenceau et Fénéon, ces deux hommes de générations différentes à la personnalité forte mais unique et dont les visions politiques ne se rejoignaient que partiellement, étaient prêts à unir leurs forces et à devenir alliés. Sans parler de leur haine commune pour les horreurs impérialistes que commettait la IIP République en Asie et en Afrique, ils se retrouvaient dans la colère suscitée par les lois scélérates, mises en place à la suite des attentats de Ravachol, Vaillant et Henry.

………..


L'affaire Dreyfus

L'Affaire donna lieu à une intense confrontation politique entre la gauche et la droite, lors de laquelle de nombreux intellectuels d'avant-garde s'engagèrent pour la première fois de leur vie; les plus virulents d'entre eux, tels Octave Mirbeau, manquèrent même d'être tués par des foules antisémites '.

Les exilés cubains à Paris, de plus en plus actifs depuis le début du soulèvement de Marti, en profitèrent également pour demander le soutien de journalistes de renom comme Clemenceau, qui se mit à soutenir publiquement leur cause anti-impérialiste.

Comme on l'a vu, suite à des pressions diplomatiques espagnoles, Tarrida dut rapidement quitter Paris pour la Belgique, avant de rejoindre l'Angleterre. C'est la raison pour laquelle la plupart de ses articles les plus récents dans la Revue Blanche furent rédigés depuis Londres, qui restait à l'époque la capitale mondiale de la politique et était connue pour sa tolérance envers les anarchistes fuyant la répression de leur propre gouvernement. Après les scandales concomitants de Montjuich et de l'affaire Dreyfus, qui avaient soulevé l'indignation générale, on réserva au jeune anarchiste cubain un accueil enthousiaste ; Keir Hardie, Ramsay MacDonald et d'autres allèrent jusqu'à organiser une grande campagne de publicité et lui faire faire le tour de l'Angleterre. Dans ce pays plein de rancune pour l'Espagne, il trouva rapidement un public pour son récit des méfaits de la « Nouvelle Inquisition ». De plus, jouant avec habileté de ses contacts aux quatre coins du monde, Tarrida encouragea la création d'une large coalition de presse qui réunissait libéraux, francs-maçons, socialistes, anarchistes, anti-impérialistes et anticléricaux, tous bien décidés à combattre le Premier ministre espagnol. Voici d'ailleurs une liste très partielle des journaux et périodiques qui participèrent à cette campagne :

En France : La Justice de Clemenceau, L'Intransigeant de Rochefort, Le

Jour, L'Écho de Paris, Les Temps nouveaux de Jean Grave, Le Libertaire, La

Petite République et Le Père Peinard.

En Grande-Bretagne : The Times, The Daily Chronicle et  Freedom.

En Espagne : El Pais, La Justicia, La Autonomia, El Imparcial et el Nuevo

Régimen de Pi y Margall.

En Allemagne : Frankfurter Zeitung, Vorwàm et Der Sozialist.

En Italie : La Tribuna à Rome et L'Avvenire à Messine.

Au Portugal : A Libertade, 0 Caminho et 0 Trabalhador.

En Roumanie : Miscarea Sociala.

En Argentine : El Oprimido, La Revolucion et L'Avvenire, journal en italien.

Aux États-Unis : Liberty à Boston, El Despertar, journal cubain publié à New York, et El Esclavo, un autre journal cubain publié à Tampa.

 

Dès lors, même au sein de l'Europe catholique, il ne restait plus guère de soutien extérieur à Canovas. L'Empire austro-hongrois avait déjà assez à faire entre les revendications nationalistes de ses propres sujets et les problèmes des Balkans, la France était en plein dans l'affaire Dreyfus et l'Italie se remettait de sa défaite désastreuse face au dirigeant abyssinien Ménélik à Adoua en mars 1896. Mais il en fallait plus à Canovas pour baisser les bras. Comme on l'a vu, si les plus célèbres des prisonniers de Montjuich réussirent à partir en exil, la plupart de ceux qui échappèrent au tribunal militaire durent subir, comme certains « agitateurs » cubains de La Havane, le calvaire des camps d'Afrique espagnole. Mais, au moment de l'exécution d'Ascheri et des quatre Espagnols condamnés pour les « atrocités » de la Fête-Dieu le 5 mai 1897, des lettres décrivant les tortures qu'ils avaient subies et clamant leur innocence circulaient déjà grâce à certains prisonniers qui avaient été libérés. Toujours est-il que, trois mois plus tard, c'est pour Canovas que sonna le glas à la station thermale de Sainte-Agathe, au Pays basque.                                                                                                                                                                                                                                            Benedict Anderson

 

NOTE

Le texte précédent est composé d’extraits du livre de Benedict Anderson Les bannières de la révolte; anarchisme, littérature et imaginaire anticolonial; la naissance d'une autre civilisation qui vient de paraître (janvier 2009) à La Découverte traduit par Emilie L'Hôte. Je le reproduis avec l’accord de l’auteur que je remercie.

Parmi les campagnes que la Revue Blanche a lancées, celle de Tarrida contre la torture appliquée aux anarchistes dans la prison espagnole de Montjuich tient une bonne place, et Alexandre Natanson s'y est personnellement impliqué. Mon livre lui consacre le tiers d’un chapitre, décrit la personnalité de Tarrida et la suite de sa vie, et évoque le lancement de la Revista Blanca, ainsi nommée par remerciement envers la revue française. Benedict Anderson replace cette campagne dans le mouvement de libération des colonies de Cuba et des Philippines engagé par des révolutionnaires aux idées anarchistes, souvent écrivains (comme le romancier Rizal, le personnage central de son livre), mouvement mentionné dans la Revue Blanche par Tarrida, Malato et Paul Louis. Cette analyse par un universitaire américain de la mondialisation des mouvements révolutionnaires, le rapprochement si spécifique de l'époque entre littérature d'avant-garde et anarchistes, la réfence à la foius à Fénéon et à Clemenceau,  et la mise en perspective du rôle de la Revue Blanche, m’a paru particulièrement stimulante. Anderson évoque les milieux anarchistes des capitales européennes, les autres membres du réseau de Fénéon comme Zo d’Axa, Jean Grave.., les assassinats de personnalités politiques comme Canovas, premier ministre d’Espagne, le roman anticolonialiste de Multatuli sur l’Indonésie, les contacts au Japon préludes à la révolution chinoise etc., toutes questions auxquelles la Revue Blanche s’est beaucoup intéressée. P.-H. B

 

 

 

 

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P
Il est clair que, comme la note finale l'indique, que tout le texte est de Benedict Anderson. On peut excuser cet universitaire américain d'avoir commis le deux erreurs relevées, l'intérêt de son livre n'en est pas diminué.<br /> PH B
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E
Bonjour,<br /> je lis dans votre blog plusieurs informations incongrues. Mais l'article sur "la croisade de Tarrida" ne permet pas de savoir s'il s'agit d'un commentaire de votre part ou de morceaux choisis dans le livre de Bénédict Anderson.<br /> En effet sous le titre du paragraphe : Paris se radicalise, il est mentionné 2 erreurs historiques importantes.<br /> 1/ Henri Rochefort ne fût jamais le beau frère de Clémenceau.<br /> 2/ Henri Rochefort n'eut jamais le titre de Marquis mais de Comte à la suite du décès de son père en 1871, de son grand père François Louis et de son grand oncle Philibert. Son nom doit s'écrire de la façon suivante : Victor Henri de Rochefort-Luçay, comte de Rochefort. Il est issu d'une famille de Franche Comté, annoblit en 1386 par Jean de Chalon.<br /> je vous laisse juge de la suite à donner à ces informations tirées à la source, puisqu'Henri Rochefort est mon arrière grand oncle. Cordialement. Marc Etivant.
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